à la rencontre de la matière...
Texte de Hatem Bouriel paru sur le journal "Le Temps" du Samedi 10 Mai 2008.
Photos : "A la recherche de la matière" à la galerie Essaâdi
Les évidences secrètes de Slim Gomri
Passionné
de photographie, Slim Gomri aime tout autant sortir des sentiers battus
du conformisme. A preuve, la nouvelle collection qu'il expose
actuellement à la galerie Essaâdi à Carthage.
Sobrement intitulée :
"A la recherche de la matière", l'exposition de photographies de Slim
Gomri révèle un artiste de la texture évoluant entre minéral et
numérique. Articulée autour d'un concept simple, cette exposition est un
voyage dans un monde de détails, une invitation à la découverte des
mille et une couleurs et matières qui fondent l'artisanat tunisien que
le photographe saisit dans l'intimité de ses textures.
Il fallait y
penser : le projet de Gomri est en effet, de sublimer et magnifier la
matière ou plus précisément le matériau, cette matrice de tout
artisanat. Allant donc à la rencontre d'une infinité de détails, Gomri
retrouve le filigrane de toute chose, son essence même.
Dès lors,
c'est à un véritable génome de la création artisanale que notre regard
est confronté. Aussi bien la structure plastique des photographies que
leur format inaccoutumé libèrent la créativité de l'artiste et
instaurent un univers parallèle fourmillent de détails, d'ombres, de
scories et de plénitude. Originale démarche qui se réapproprie l'objet
artisanal en l'abolissant, en investissant ses replis secrets et
invisibles.
Regard inédit sur le patrimoine envisagé ici non plus
dans sa beauté relative mais dans son agencement profond, ce qui le
fonde matériellement. Seul, dans le domaine tunisien, un Lorand Gaspar
avait approché ces évidences secrètes. Car il ne s'agit pas ici d'un
simple dialogue entre objet et objectif mais d'une authentique réflexion
philosophique sur la matière, le jeu des éléments, la fugacité
changeante de la lumière. Ce sont Merleau-Ponty, Heidegger et Gaston
Bachelard qui surgissent au fil des images, des taches indistinctes ou
des réseaux de signification.
Une plasticité virginaleL'esthétique
est quant à elle bien au rendez-vous. Car le risque d'une démarche
cérébrale revient parfois à annuler la beauté plastique. Ici, les œuvres
sont de cette plasticité virginale qui remonte les chemins de la
création, dénoue le fil des métamorphoses et des générations spontanées.
Slim
Gomri ne cède à aucune tentation documentaire. Pour lui, le regard et
l'émotion esthétique priment sur le socle théorique qu'il investit.
Seuls les titres des œuvres sont un prolongement énigmatique de la
réflexion antérieure à l'œuvre proprement dite.
L'artiste
intitule ses œuvres : Noir désir, Rêve orange, Métal attitude ou
Touches berbères. Ce faisant, il se distancie par rapport aux
photographes qui ne voient dans le patrimoine que l'objet ou la
dimension ethnique.
Franc succès donc pour cette exposition qui se
poursuit jusqu'à la semaine prochaine avec le soutien d'un mécène privé,
en l'occurrence la société de promotion immobilière Edifia,
organisatrice de l'événement.
Dès lors, Slim Gomri peut savourer le
succès rencontré par ses œuvres et rêver au livre de photos qu'il
prépare actuellement sur le thème de la ville de Radès.
Hatem NOUREDDINE
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